Sarah et moi avons eu la chance d'interviewer au téléphone Daniel Faille, qui est derrière l'infrastructure qui a permis de diffuser des jeux vidéo à la télé depuis la fin des années 1970 jusqu'à la fin des années 1980. À la suite de la lecture d'un article de La Presse daté du 10 octobre 1979, nous avons pu retracer Daniel et le contacter. Il a répondu à nos questions dans le meilleur de ses connaissances, car il faut remonter à il y a près de 40 ans. Ce phénomène est encore gravé dans l'imaginaire des gens qui ont découvert ce système ou en ont fait l'expérience en accédant aux jeux sur une chaîne du câble au moyen d'un téléphone Touch-Tone.
Musicien depuis l'adolescence, il a joué dans les bars pour gagner son argent de poche. Après de multiples tentatives de travail comme musicien de studio, il s'est recyclé dans l'électronique. Abonné au magazine Popular Electronics, il y a découvert l'ordinateur Altair 8800, qui l'a immédiatement conquis, parce qu'il aimait tripouiller pour essayer de comprendre comment le tout fonctionnait. Il a ensuite entrepris des études chez Teccart (une école qui a formé beaucoup de techniciens qui ont travaillé dans le domaine de la télévision) en 1973-1974, où il a étudié le processeur Motorola 68000. Son grand-père lui a offert des magazines de Radio-Cristal parce que Daniel s'intéressait à ce sujet.
Vidéotron venait alors de s'installer dans d'immenses bureaux à Saint-Hubert, car la câblodistribution commençait à s'implanter sur le Rive-Sud (Boucherville, Candiac, Brossard, etc.) puisque ce territoire était inexploité. Daniel a vu dans un journal de la Rive-Sud un affichage de poste de technicien en entretien d'équipements audiovisuels pour la télévision communautaire.
Alors âgé de 24 ans, il a soumis sa candidature et a même rencontré le chef technique en câblodistibution.
La 3e génération de la câblodistribution (à partir de 1975) a commencé à offrir des chaînes thématiques (sport, musique, films) sur 36 canaux, avec une chaîne à péage et un service de type télématique. On comptait alors plus de 400 000 abonnés au Québec.
Les jeux vidéo ont été diffusés de 1978-1979 jusqu'en 1989 sur la chaîne TVJQ et le Canal Famille à partir de 1988, ce qui est surprenant, compte tenu que les jeux vidéo étaient rendus plus abordables et que la Nintendo Entertainment System connaissait beaucoup de succès à l'époque. Ces jeux ont ensuite été remplacés par les jeux du système Vidéoway, auxquels chacun pouvait accéder au lieu d'attendre une ligne locale libre.
Mais qu'était en fait TVJQ (La télé des jeunes du Québec)? Selon le livre Le câble, « Vidéotron a diffusé un canal enfance-jeunesse par l'intermédiaire de sa société filiale Câblespec qui fait la programmation, un peu de production quand les acquisitions ne comblent pas tous les besoins, et livre les programmes sous forme de cassettes montées pour une semaine.
La diffusion a lieu entre 6 heures et 20 heures, complétée par des programmes éductifs et culturels pour adultes après 20 heures, ainsi qu'après minuit par des jeux vidéo (joués par un seul abonné, les autres n'étant que spectacteur) : échecs, pendu, jacquet, etc. »
Indicatif de la station TVJQ (crédit : Patrick Gagnon)
M. André Chagnon, fondateur de Vidéotron et président de l'entreprise à l'époque, traitait ses employés de façon égale. Il était un grand curieux de la technologie et se rendait souvent aux États-Unis pour rester à l'affût des dernières percées et conserver son avance sur la concurrence. M. Chagnon a approché Daniel pour lui présenter Michel Cartier, un professeur de l'UQAM qui enseignait le micro-informatique en se basant sur les nouveaux ordinateurs Apple II. À l'époque, les chaînes du câble ne diffusaient pas 24 heures et sur 24 et M. Chagnon avait en tête des idées de projets pour les créneaux de ces chaînes lorsque celles-ci étaient hors d'ondes et ainsi éviter un certain gaspillage des ressources inutilisées. Il s'intéressait aux jeux vidéo, mais comme les consoles et les micro-ordinateurs étaient très coûteux à l'époque, il a proposé une solution de rechange à la portée des gens.
Toute l'infrastructure de la câblodistribution était présente et Vidéotron diffusait ses propres canaux (un peu comme les canaux spécialisés aujourd'hui).
Pub du réseau Inter-Vision (un câblodistributeur de Québec, racheté depuis
par Vidéotron), que l'on retrouvait dans le magazine Québec Science
Par ailleurs, le CRTC encourageait beaucoup le développement de ces chaînes. M. Chagnon a demandé à Daniel s'il était possible de prendre un ordinateur et d'en diffuser l'image en ondes par l'entremise du câble, ainsi que de développer une méthode pour permettre aux gens de jouer à des jeux vidéo en composant un numéro de téléphone au moyen d'un clavier Touch-Tone.
C'est ainsi que M. Chagnon a décidé d'acheter deux Apple II flambant neufs (qui coûtaient une fortune à l'époque) et de mettre à contribution son fils Christian, alors étudiant en informatique à l'UQAM et qui apprenait justement la programmation sur ce modèle en faisant ses premières incursions en BASIC. Christian Chagnon a ainsi traduit et adapté des jeux classiques par lui-même durant ses vacances d'été, à partir du code BASIC ou Integer BASIC d'origine. Par la suite, d'autres personnes, comme Gino Abbondanza et Christian Raymond, se sont jointes à l'équipe de la programmation, tandis que Daniel était chargé de la mise sur pied du système de diffusion.
Dans le code, on fait de belles trouvailles, dont cette image de l'Enterprise, tirée du jeu Star Trek
Daniel a remarqué que la technologie du répondeur à cassette (qui était devenu très populaire) serait une excellente manière de relier le client au micro-ordinateur, et il a alors créé une interface pour décoder les tonalités des touches du clavier Touch-Tone entre le répondeur et l'ordinateur. Il fallait en plus programmer les jeux en fonction de ces touches. Sans trop entrer dans les détails techniques, si l'utilisateur entrait le code alphanumérique 21, cela correspondait à un A sur l'ordinateur, 22 correspondait à la lettre B, etc.
Le fameux code alphanumérique!
L'un des fameux répondeurs; celui-ci a servi pour Victoriaville.
Daniel avait fabriqué 50 systèmes de jeux artisanaux, car la zone de couverture de Vidéotron était étendue un peu partout au Québec (Sherbrooke, St-Jean, Cap de la Madeleine, Québec, Lévis, Montréal, Repentigny) dans les têtes de ligne et dans chaque région, quatre ou cinq machines (avec un nombre équivalent de lignes téléphoniques) étaient mises en œuvre; ces appareils nécessitaient beaucoup de maintenance, puisque les Apple II n'étaient pas conçus spécialement pour un usage excessif, sans compter la poussière omniprésente des centres techniques où ils étaient installés. De plus, même lorsque le canal ne diffusait pas les jeux, l'ordinateur fonctionnait 24 heures sur 24 pour qu'il soit prêt. Et pourtant, personne n'était sur place pour s'en occuper, pas même à l'heure de la diffusion, car un minuteur servait à la mise en ondes.
L'un des 50 Apple II utilisés par le service.
L'intérieur du Apple II avec les deux cartes...
Carte réceptrice, fabriquée par l'entreprise canadienne Mitel
Une des disquettes fonctionnelles, mais il y a seulement un ou deux jeux qui fonctionnent sur chacunes d'elles.
À ce que l'on sache, il y aurait eu au moins 42 jeux. Dans ce lot, on retrouve certains titres populaires, comme un clone de Star Trek : Strategic Operations Simulator (ou SOS) de Sega, ainsi que des jeux plus traditionnels, comme le jeu d'échecs et celui du bonhomme pendu.
Une fois que la personne finissait de jouer, le menu réapparaissait avec le numéro de téléphone. Ça durait ainsi jusqu'à 6 heures du matin. Fait intéressant : les jeux vidéo sur le câble n'étaient pas inscrits dans les guides horaires ni nulle part ailleurs, car même si André Chagnon avait de l'ambition, ce projet était quelque peu expérimental et sous les radars.
Anecdotes : Exaspérée, Bell Canada avait contacté Vidéotron parce que les lignes dédiées était tellement occupées que ça gelait les centraux téléphoniques. Les habitués du service connaissaient le numéro à composer par cœur (et utilisaient propbablement la fonction de recomposition automatique, ce qui rendait la ligne très difficile à obtenir).
La liste des jeux disponibles variait selon le jour de la semaine. Malheureusement,
le temps a eu le meilleur de ces disquettes et il est impossible d'accéder à leurs données.
Daniel a ensuite travaillé en équipe sur le projet qui deviendra plus tard Vidéoway (André Chagnon ayant récupéré le principes du réseau d'information), qui s'inspirait beaucoup de divers concepts comme ceux de la presse écrite, de la météo (Environnement Canada), de la loterie (Loto-Québec) et des jeux vidéo (qui étaient programmés à l'interne).
Concept du Vidéoway dans le magazine Vidéocom (cliquer sur l'image pour l'agrandir)
Malgré que d'autres joueurs nationaux plus fortunés (Rogers par exemple) auraient pu lancer leurs propres services de terminaux (on pense aussi à Bell et son système Alex, fortement inspiré du Minitel français), Vidéoway avait une longueur d'avance et possédait l'expertise nécessaire pour se démarquer de la concurrence en ce qui a trait à l'offre de services.
Fidèle à ses convictions, André Chagnon, accompagné du reste de l'équipe, se rendait un peu partout dans des salons professionnels, où il tentait de vendre la technologie de Vidéoway aux États-unis, dans l'Ouest canadien, en Angleterre (où le système a connu un certain succès pendant quelques années) et en France.
Chaque terminal de Vidéoway coûtait environ 350$ à fabriquer (il y a eu au départ une commande de plus de 100 000 terminaux), mais son financement prenait la forme d'une location aux clients dans le cadre d'un forfait mensuel.
André Chagnon a eu l'idée d'utiliser le canal 2 pour présenter un guide des émissions en ondes qui deviendra le fameux Télé-Guide. Daniel a mis sur pied quatre ou cinq de ces systèmes au moyen d'ordinateurs Apple II pour les villes de Québec, Sherbrooke, Montréal, etc. Le choix des émissions était effectué manuellement par un responsable qui consultait un télé-horaire imprimé comme TV-Hebdo et sélectionnait manuellement les chaînes à afficher, en privilégiant les émissions francophones populaires. La case du milieu, de taille plus grande, comprenait son et image, tandis que les autres cases plus petites qui l'entouraient étaient mises en sourdine.
Daniel a aussi travaillé sur d'autres projets, comme les chaînes Télé-immeubles, Télé-voyages, Télé-annonces.
1 heure de Télé-Guide sur YouTube
Divers services, comme la presse écrite, la météo, l'horaire des vols à Dorval, le système de télé-rencontres et les annonces classées, étaient offerts à d'autres compagnies de câblodistribution, qui s'y abonnaient pour les diffuser sur leur réseau. C'était en quelque sorte l'ancêtre d'Internet. Il ne faut pas oublier non plus TVFQ canal 99 (et son fameux logo du coq) , société financée par Vidéotron qui avait été mise sur pied pour diffuser au Québec du contenu d'origine française qui était fourni sur PAL/SECAM, qu'il fallait ensuite transcoder en NTSC pour la diffusion locale. Finalement, il y avait même une chaîne qui servait à instruire les gens sur le branchement du Vidéoway.
André a offert beaucoup d'opportunités à Daniel pour qu'il développe des technologies et il devait travailler presque 6 jours par semaine pour tout mettre en place.
Daniel a quitté Vidéotron en 1998 pour se joindre à SoftImage, puis à Radio-Canada, avant de revenir chez Vidéotron pour travailler en télévision communautaire à titre de directeur technique provincial pour le canal Vox.
Encore aujourd'hui, il est fier de l'ensemble de son œuvre, notamment parce que cela lui a permis de fournir du travail à beaucoup de personnes.
Actuellement, Daniel est bassiste pour Gilles Valiquette pour le projet d'un album hommage aux Beatles intitulé P.S. I Love Uke.
Vidéo d'accroche pour cet article
Le jeu Gorg en action, retrouvé après plus de 25 ans!
Le code BASIC du menu d'accès aux jeux
La section des jeux d'un livret photocopié
Références :
- Popular Electronics : http://www.swtpc.com/mholley/PopularElectronics/Jan1975/PE_Jan1975.htm
- Jean-Paul Lafrance, Le câble ou l'univers médiatique en mutation, Éditions Québec/Amérique, page 34 et 211
- Article La Presse : Bibliothèque et Archives Nationale du Canada
Les fabricants de céréales ont longtemps reflété les tendances chez les jeunes, en leur offrant des primes et des concours alléchants, tout en assurant leur fidélité. Nous avons pu mettre la main sur des boîtes de céréales canadiennes allant de 1989 à 2000, portant sur Nintendo et Sega. 1. Cheerios au miel et aux noix (1989) - Autocollants de Nintendo Il s'agissait d'autocollants d'assez bonne qualité, à peu près équivalente aux autocollants des cartes à collectionner de Nintendo mises sur le marché par Topps à la même époque. À noter: Pour participer au concours, qui donnait la chance de gagner un ensemble NES avec télé et Power Glove, un Game Boy ou une NES avec Zapper, il fallait remplir un minuscule formulaire situé dans le bas du côté de la boîte. Pour un jeune, réussir à tout inscrire de manière lisible constituait un défi en soi! 2. Corn Pops (1994) - Autocollants de Nintendo à personnaliser En cette période de transition entre la NES et la SNES
En 1989-1990, le marché canadien des jeux vidéo comprenait un volet du marché noir : les cartouches pirates, importées de Taïwan et distribuées un peu partout dans les marchés aux puces, clubs vidéo et commerces indépendants du pays, sans oublier les vendeurs individuels qui faisaient appel aux petites annonces pour vendre leurs exemplaires. Puisque le prix d'un seul jeu neuf sur la console Nintendo frôlait les 70$ et 80$, accéder à plus de 30 jeux dans une même cartouche était une véritable aubaine. Il était donc facile de vendre des versions 110 jeux en 1 ou même des versions 260 en 1 à prix d'or. Cependant, plus il y avait de jeux sur la cartouche, plus il y avait des titres répétitifs qui se distinguaient l'un l'autre par des modifications pour en faire des variantes en ce qui a trait à la jouabilité. En plus de contenir les jeux déjà classiques de la NES comme Super Mario Bros. et Donkey Kong, ces cartouches permettaient aussi de découvrir des titres jamais